Avec près de 100 artistes à l’affiche, pas si simple de se frayer un chemin parmi la programmation musicale du Cabaret Vert 2022. La solution ? Faire appel aux meilleurs spécialistes de la question : Christian et Vivien, a.k.a les deux programmateurs du festival. S’ils étaient à la place des festivaliers, à quoi ressemblerait leur parcours idéal pendant le Cabaret Vert ? Réponse en 5 épisodes.
Mercredi, c’est (re)party !
229e jour de l’année du calendrier grégorien, ce 17 août 2022 marquera surtout le grand retour du Cabaret Vert après deux années de pause forcée. Sans surprise : l’affiche de cette journée sera donc placée sous le signe de l’énergie retrouvée. “Le GreenFloor ne sera pas encore ouvert le mercredi. La journée sera donc plus légère et il est presque possible de ne faire aucune impasse annonce Vivien. En tout cas, il y a une règle obligatoire : commencer le festival par Q.” Derrière un patronyme qui présage les meilleurs jeux de mots au camping ou dans la file d’attente de la buvette, se cache un jeune guitariste à la voix perchée mûri au soleil de la Floride. Étiqueté soul mais navigant aussi vers la pop et le rock psyché, le garçon lancera donc les festivaliers sur la scène Illuminations. Il précèdera De’Wayne (rap alternatif), puis les deux sensations indie du jour : Parcels (electro pop) et Wet Leg (rock).
« Cela faisait longtemps qu’un girl band rock anglais n’avait pas fait autant parler. Ce printemps elles ont joué leur hymne ‘Wet Dream’ dans le late show de Jimmy Fallon à New-York. C’est quelque chose”.
Retour sur le sol de la mère patrie pour la suite de la journée avec Vald (rap) sur la Grande Scène. Un concert qu’on imagine aussi réussi que son nouvel album certifié platine en 23 petits jours. On s’extirpera du pogo en cours de route pour profiter de l’autre sensation rap française du jour : Youv Dee. Entre hip hop et punk rock, le val-d’Oisien devrait casser les codes sur Razorback.
Tout comme Aurora (indie pop) un peu plus tard dans la soirée. Une norvégienne mystique révélée sur TikTok pendant le confinement.
“C’est un peu cliché de la comparer à Björk mais il faut reconnaître qu’elles partagent de nombreux points communs. Il y a d’abord cette pop céleste et puissante, mais aussi un univers inspiré par la nature.”
Tandis que sa majesté Stromae mènera la première nuit du festival à la baguette, les âmes punk se dirigeront vers Razorback pour l’enchaînement royal – donc forcément britannique – Wu-Lu (punk / hip hop) et Working Men’s Club (indie-pop ravagée). Avant le gong de fin, les couche-tard se retrouveront, en cadence, devant le set électro barré du franco-américain Marc Rebillet. “Le problème de Vivien c’est qu’il veut tout voir.” Est-ce vraiment un problème Christian ?
Méchant jeudi
Jeudi, deuxième jour et cette fois-ci, toutes les scènes seront de sortie.
“Hip-hop, métal, électro… Ce sera sans doute la journée la plus vénère de cette année” prévient Christian.
Présence de Slipknot oblige, on commencera par le métal moderne – et en circuit court – de Disconnected sur Illuminations. De quoi réveiller les corps et les âmes avant de traverser la Meuse vers le GreenFloor pour So La Lune et La Fève. Soit deux promesses d’avenir de la scène hip-hop hexagonale. Où ai-je l’esprit ? Sur Illuminations pour le rock tirant vers le punk des canadiens de Cleopatrick, mais évidemment aussi sur la Grande Scène pour les indémodables Pixies. Un concert dont les dernières notes devraient coïncider avec le début du show trap de Pa Salieu sur Illuminations.
“C’est un artiste à voir sur scène avec une grosse présence, des instrus lourdes et un accent assez marqué de Birmingham. C’est parfait qu’il vienne le jeudi, car il croisera d’autres projets britanniques hyper intéressants comme Central Cee (rap / drill), Slowthai (hip-hop) ou Bob Vylan (rock grime) ».
Encore un nouvel épisode glorieux pour l’histoire tricentenaire de l’Entente Cordiale. Le beffroi de Charleville-Mézières affichera 22 heures quand Slipknot embrasera la Grande Scène. Derrière les masques : un monument de la musique populaire qui fait l’événement en live depuis bientôt trois décennies. Pour ceux qui voudraient prolonger la soirée amplis hurlant, cela passera sur Razorback avec The Armed.
“Je reproche parfois au métal ou au punk de ne pas se renouveler. Pour le coup, ce groupe me donne totalement tort. C’est un projet à la fois hippie et puissant. Un moment fort du jeudi.”
Puisqu’on vous répète qu’on a pas le temps de tout voir, il vous faudra donc impérativement choisir l’ambiance de votre fin de soirée. Par exemple en lançant une pièce en l’air.
Côté pile, le phénomène Laylow dont la récente sortie parisienne à l’Accor Arena à décrocher quelques mâchoires, même chez les plus snobs. Côté face, le set techno foudroyant de Paula Temple. “Elle est devenue une référence de la techno indus et plus généralement de la musique électronique. Elle s’est forgée une réputation grâce à un son unique, très dur et qui tape fort.”
Un jeudi vénère, on le disait.
A voir aussi le jeudi :
Ty segall and freedom band (rock & fuzz), Frenetik (rap), Ashe 22 (rap), Vlure (post-punk), Eris Drew (dance), Octo Octa (house), La Fleur (électro), Gazo (rap / drill), Uncomfortable Knowledge (métal).
Vendredi, jour meilleur
Thanks god it’s friday, mais particulièrement ce vendredi 19 août avec une affiche cossue qui ne donnera pas franchement envie de s’attarder au boulot.
« Le vendredi sera un peu la face B de la veille avec une Grande Scène consacrée au hip-hop et une programmation assez rock sur les autres scènes, explique Vivien. À la place des festivaliers, j’attaquerais la journée par San-Nom, un artiste rap de Reims super intéressant.”
Ceci fait, on troquera le Champagne pour la Cachaza avec la bossa trap de Bianca Costa, toujours sur le GreenFloor.
“Son projet est très original. Elle arrive à mêler hargne et douceur, français et portugais, bossa et trap.Ce sera la belle surprise du jour. »
Rap toujours mais sous des latitudes moins ensoleillés avec la britannique Little Simz qui se chargera de l’ouverture de la Grande Scène. À 28 ans, elle a déjà été sacrée révélation de l’année aux BRIT Awards et assuré le rôle principal de la série “Top Boy” sur Netflix. On a connu pire début de carrière.
Vous vouliez du rock ? Il y en aura dès l’après-midi avec le grunge-pop toujours frondeur de Wolf Alice sur Illuminations, puis le duel – forcément au sommet – des Franck. A ma gauche : Frankie and The Witch Fingers sur Razorback et son ambiance garage-psyché. A ma droite : l’infatigable hurleur punk Frank Carter & the Rattlesnakes sur Illuminations.
“Les années passent mais lui, il te secoue toujours autant la cervelle et l’estomac.”
Are you ready to rumble ?
Pour se remettre de nos émotions, on misera sur le RnB de H.E.R., une artiste aux chiffres fous : 8 milliards de streams, 21 nominations aux Grammy et 2 programmateurs sous le charme.
“C’est la classe américaine, une grande figure planétaire de la musique. Sur scène, le show est plutôt rock avec près d’une dizaine de musiciens. Tout le monde va prendre une claque, c’est certain”.
Les joues rougies, les festivaliers devront alors se ranger par équipe. Les plus organisés parviendront à enchaîner quelques pas de danse sur Tsha (house), un ou deux titres masqués de Ziak (rap) et même le début de Pink siifu & Negro’6 (rap). Les plus joueurs viseront plutôt la qualification à une partie de Civilisation fighters durant le concert d’Orelsan. Normand le plus célèbre depuis Guillaume le Conquérant, le Caennais sera immanquablement le boss de la journée, mais certainement pas le boss de fin. Il sera en effet recommandé de prolonger la soirée entre rock et électro. Clutch (heavy Rock) et Meatbodies (rock) pour les guitares, Sama’Abduladhi (techno) et KAS:ST LIVE (techno) pour le dancefloor.
“En étant malin, je crois qu’on peut même se glisser dans la foule de SCH pour quelques titres avant de terminer la soirée à Illuminations ou sur le GreenFloor”.
Oui ma gâtée.
> A voir aussi le vendredi : Le Juiice (rap), Slimka (rap), Tygapaw (electro), Luv Resval (rap), Yard Act (post-punk), Joy Orbison (house), Denis Sulta (electro).
Samedi : Everything’s Electric
Contrairement à une idée reçue, la vie de festivalier n’a rien d’une sinécure. A l’heure d’aborder une quatrième journée au programme dense, Vivien tient à rappeler certains bons réflexes à adopter par ceux qui comptent tenir le choc.
“Je pense qu’il faudra essayer de commencer chaque journée au GreenFloor. Ce sera la première zone d’accueil en arrivant du camping et il y aura des DJ dès l’ouverture des portes. Ce sera l’endroit idéal pour chiller et se mettre doucement dans l’ambiance. »
En suivant ce conseil d’expert, on commencera donc ce samedi par Green Montana et Makala. Le premier est belge et sombre, le second est suisse et intense. Dans les deux cas, on ne boudera pas notre plaisir de secouer la tête et les bras à l’heure du goûter. Bruts, sales et londoniens, pas besoin d’en dire plus aux amateurs de sonorité garage pour les convaincre de tendre une oreille vers Cassels sur Razorback.
De quoi se mettre en condition avant les concerts de DIIV (rock indé), Mad Foxes (grunge) et bien sûr Fontaines D.C. dont le post-punk semble directement inspiré d’une sortie éméchée de Pub .
”C’est une belle histoire car ils étaient venus au festival, il y a quelques années. A l’époque personne ne les connaissait. Ils ont même joué deux fois. Aujourd’hui c’est un groupe taillé pour la Grande Scène.”
Pour les rangés du rock, l’après-midi proposera d’autres options avec notamment, la douceur pop de Gus Dapperton, ou la numéro 10 de la scène rap italienne Anna qui sera exceptionnellement programmée sur le GreenFloor et non à San Siro. Un moment délicieux à l’heure du coucher de soleil sur Charleville. Alors que les porteurs de Dr. Marteens feront un pas derrière Madness devant le Grande Scène, l’électro-pop sera de mise sur Razorback avec Lynks et Noga Erez.
Et ensuite ? Ensuite tout s’arrêtera pour l’entrée sur scène de Liam Gallagher. Ragaillardi par deux albums solos propulsés en tête des charts, le kid de Manchester devrait rallier sans peine les fans hardcore, comme la foule des curieux ayant placé Wonderwall sur leur playlist de mariage. Biblical ! La messe sera dite mais il restera encore de belles promesses à piocher dans cette programmation du vendredi. Comme par exemple la coldwave de Molchat Doma ou le sulfureux duo californien Paris Texas.
« C’est étonnamment très énervé pour du rap américain. Il y a un côté rock avec pas mal de titres chantés et très rythmés. Cela peut rappeler les débuts d’Odd future ou même de Nerd”.
Il s’agira enfin de profiter de la dernière grande nuit du festival. Au programme ? Chocs sonores en tous lieux avec notamment Vitalic sur la Grande Scène, Wargasm (electro-rock) sur Razorback ou Sherelle (jungle) sur le GreenFloor.
Electro, Techno, Dodo.
> A voir aussi le samedi : SDM (rap), Lala &ce (rap), Tiakola (rap), Mara (rap), Todiefor (rap), Leon Vinehall (house), Lena Willikens (electro).
Dimanche, la drôle de vie
Courbatures, mélancolie et sortie en famille : aucun doute le moment sera venu d’entamer le dimanche du festival. Une dernière journée donc, mais certainement pas une journée au rabais.
“Le dimanche au Cabaret Vert a toujours eu une dimension familiale avec un ticket moins cher et des artistes plus accessibles, explique Christian. L’idée pour nous c’est donc de proposer un programme un peu différent mais toujours pertinent. À l’image d’une personnalité comme Gaëtan Roussel qu’on aime beaucoup.”
Pas de repos dominical pour la lutte contre le patriarcat avec Le Lou rappeur strasbourgeois bien décidé à égratigner la masculinité toxique comme dans son dernier titre “Jean-Cis Dude”. Le monde change, le rap aussi. Prochaine destination : la Louisiane via une escale par la Grande Scène pour Tank and the Bangas (Soul / Funk).
« C’est vraiment un groupe génial, avec beaucoup d’énergie, beaucoup de générosité et beaucoup de monde sur scène. Cela promet une belle ambiance de fête.”
C’est à 470 milles de la Nouvelle Orléans, à Atlanta, que s’est fait connaître la prochaine sensation du jour : Zack Fox, à la fois comédien, écrivain, illustrateur et surtout excellent rappeur à l’ancienne. Un profil multi-talent qui rappelle celui de la londonienne Alewya (chanteuse, mannequin, peintre).
Avec sa soul aux racines africaines, elle lui succèdera sur le GreenFloor, faisant naturellement le lien avec Ayra Starr (Afrosoul) programmée un peu plus tôt sur Illuminations. La fête encore et toujours avec l’afrobeat de Femi Kuti, fils de Fela, qui devrait provoquer une vague de déhanchés plus ou moins maîtrisés. Dans le même temps, Benjamin Epps retournera le GreenFloor à coup de boum bap, avant de passer le relai à la techno absurde de PARTIBOI69.
“C’est un artiste super délirant par son look ou sa posture sur scène. Il a une vraie tronche, mais cela ne doit pas faire oublier sa musique super dansante.”
Tout arrive le dimanche au Cabaret Vert, comme cet enchaînement subtil qui verra Luidji (étoile montante de la scène rap française) précéder l’icône Véronique Sanson. “C’est la dernière grande dame de la chanson française. Elle a cette plaie ouverte qui lui permet de chanter sa douleur mais aussi de jolies choses. Je l’ai toujours considéré comme une soul girl.” Une nuit sur son épaule et trois options pour terminer au mieux ce Cabaret Vert 2022. En chanson avec Eddy de Pretto. En pogo avec Johnnie Carwash, nouvelle coqueluche de la scène garage française. En dansant devant India jordan (house) et Haai (techno).
“Le dimanche c’est un peu comme le mercredi, on peut presque tout voir. Ça risque d’être un peu la course, mais bon, on aura ensuite toute une année pour se reposer. »
> A voir aussi le dimanche : Sopico (fusion), Parlor Snakes (rock).
Festivaliers, au repos !
LA PLAYLIST COMPLÈTE POUR ÊTRE PRÊT
BRDR
La programmation en chiffres
Source : site internet du festival (hors groupes locaux)
- Royaume Uni
- France
- Etats-Unis
- Belgique
- Suisse
- Rap (33 artistes)
- Electro (24 artistes)
- Rock (23 artistes)
90 % d’artistes n’ont jamais été programmés au Cabaret Vert.
10 % d’artistes ont déjà été programmés au Cabaret Vert.
Artistes masculins : 64%
Artistes féminins : 26 %
Groupes Mixtes : 10 %
- Aurora (3.800.000 abonnés TikTok)
- Central Cee (2.100.000 abonnés TikTok)
- Willow (1.700.000 abonnés TikTok)
- Yemi Alade (1.200.000 abonnés TikTok)
- H.E.R. (1.200.000 abonnés TikTok)
- Marc Rebillet (1.100.000 abonnés TikTok)
89% des artistes font la tronche sur leur photo promo.
8% des artistes sourient sur leur photo promo.
3 % des artistes ont oublié d’envoyer leur photo promo au festival.